Le 13 Novembre Sandrine et Fabrice ont fait leur présentation au Congrès Mondial sur les Parcs (WPC) à Sydney, en Australie.
Avant de découvrir la photo, nous vous invitons à lire sa légende élaborée par Ecofund en collaboration avec le Dr Tom Bridge, chercheur au centre d'excellence pour les études sur la barrière de corail (ARC Center for excellence for Coral Reef Studies) de l’Université James Cook à Townsville, et à l'Institut australien des sciences marines, ainsi qu’avec le Dr Pascal T Geraghty, chercheur halieutique pour la pêche commerciale, en Australie. C’est pour nous l’occasion de vous dire un grand MERCI, Tom et Pascal, pour votre contribution bénévole et très appréciée.
Avec la série de photos Prophétie, nous voulons sensibiliser le grand public aux problèmes environnementaux au Sénégal (en Afrique de l'Ouest) et à présent en Australie. Cependant, pour atteindre cet objectif, chez Ecofund nous invitons toutes les parties concernées (chercheurs, activistes, artistes, la population et les décideurs politiques), à se lancer dans une approche participative et collaborative. Le résultat est une photo-légende "populaire" mais basée sur de solides études scientifiques et qui présente au grand public le récif corallien, les causes de sa dégradation et les solutions pour y remédier.
La photo “Prophétie australienne" et sa légende constituent ensemble un plaidoyer pour la conservation de la Grand Barrière de Corail. Ce sont ces deux résultats qui ont été exposés au WPC.
Maintenant, profitez de la lecture de la légende et admirez la photo « Prophétie australienne » !
La Grande Barrière de Corail (GBC) en Australie est le plus grand écosystème de récifs coralliens au monde
Située sur la côte nord-est de l'Australie, la GBC et ses écosystèmes associés (mangroves, lagunes, herbiers ...) s’étendent sur 348°000 km² (formant un long chemin de 2°000 kilomètres près de la côte du Queensland). La GBC abrite la plus grande collection au monde des récifs coralliens (près de 2°900 récifs et îles distincts, de toutes formes et tailles), avec plus de 400 types de coraux, 1°500 espèces de poissons, 4°000 types de mollusques. On y trouve également plus de 15 espèces d’herbiers marins, qui sont d'une importance cruciale pour l'écosystème puisqu’ils constituent des nurseries pour de nombreux poissons et sont une source essentielle de nourriture pour les animaux herbivores, comme les dugongs (vaches de mer) et les grandes tortues vertes, deux espèces menacées d'extinction.
Les récifs coralliens tels que nous les connaissons aujourd'hui existent depuis 25 millions d'années. Étant l'élément structurel des récifs, les coraux sont très importants pour notre biodiversité et symbolisent la vie. En particulier la partie Nord de la GBC est traditionnellement et culturellement importante pour les aborigènes qui voient en elle «l'âme» de leurs terres.
Pour toutes ces raisons, la GBC a été classée au patrimoine mondial de l’Unesco en 1981, et est considérée par beaucoup comme la 8ème merveille du monde.
Malheureusement, cet incroyable sanctuaire de biodiversité est menacé
Publiée en Octobre 2012 dans la revue scientifique américaine « Actes de l'Académie nationale des sciences », l’étude la plus récente et complète menée à ce jour sur la Grande Barrière de Corail, conclut que la GBR a perdu 50% de sa couverture corallienne initiale en moins de 30 ans (entre 1985 et 2012) ! Intitulée « 27 ans de déclin de la couverture corallienne sur la Grande Barrière de Corail », cette étude nous permet de mieux comprendre les principaux facteurs de mortalité du corail. Aussi, d’après les scientifiques, il ne fait aucun doute que les changements dans les processus écologiques, physiques et chimiques, qui compromettent la conservation des écosystèmes marins, sont en grande partie dus aux activités humaines tant au niveau global que local:
- Le changement climatique : des températures plus chaudes en raison des changements dans les courants océaniques, contribuent à la dislocation du corail. A cause de l’accroissement des activités industrielles et domestiques, le réchauffement de la planète contribue à l’apparition de cyclones tropicaux de plus en plus intenses qui détruisent les récifs; comme le montre la photo ci-dessous mise à notre disposition par le Dr Tom Bridge et prise sur l'île Lizard, environ une semaine après le cyclone Ita en Avril 2014, on peut y voir au premier plan le corail brisé mais encore vivant suite au passage du cyclone. Le Réchauffement climatique contribue également à des augmentations anormales des températures de l'océan, comme celle survenue en 1997/98 lorsque le plus grand phénomène de blanchissement des coraux a été observé. L'augmentation des températures de l’eau s’accompagne également de taux plus élevés de maladies du corail.
- Les attaques massives liées à la concentration inhabituelle de prédateurs naturels sur le récif (Acanthaster planci, en particulier), surtout dans la partie sud de la GBC, affaiblissent le corail et pourraient le tuer. A ce sujet, il a été scientifiquement prouvé que les engrais qui sont déversés dans la GBC par les exploitations de canne à sucre, sont la principale cause de cette invasion des “couronnes d’épines” (espèce d’étoile de mer de grande taille).
- Le blanchissement des coraux : toutes les raisons ci-dessus expliquent ce phénomène de dépérissement du corail, mais en particulier, l'augmentation des rejets de gaz atmosphériques à effet de serre amplifient le stress sur le corail. Dans ces conditions, le corail peut perdre ses zooxanthelles (algue symbiotique colorée qui absorbe le dioxyde de carbone libéré par les coraux et en retour leur offre divers nutriments nécessaires à leur survie). Le corail peut ainsi mourir de faim ou de maladie.
- La pollution grandisante des océans : l'acide carbonique de CO2 atmosphérique produit en excès par les activités humaines, augmente l'acidité des eaux océaniques, rendant les eaux de surface plus corrosives. Lors de la 12ème Conférence des parties de la Convention sur la biodiversité, 30 biologistes marins internationaux ont conclu qu’ « au cours des deux derniers siècles, l'océan a absorbé un quart du CO2 émis par les activités humaines » et que « par rapport à la période préindustrielle, l'acidité des océans a augmenté d'environ 26% ». Avec de plus en plus de substances toxiques rejetées par les hommes dans les océans (par exemple, les engrais, les hydrocarbures déversés accidentellement par les bateaux ou simplement liés à l'augmentation des activités de transport maritime ...), les coraux sont soumis à un risque accru de suffocation.
- Les activités locales ont, ou pourraient également, avoir des impacts considérables et négatifs sur la GBC: par exemple, l'aménagement du littoral qui contribue à la perte et à la perturbation des habitats côtiers suralimentés en sédiments, les engrais (nitrates, phosphates) issus de l'agriculture et rejetés dans les fleuves, le traitement insuffisant des eaux usées par les stations d'épuration, ainsi que la pression sur les ressources halieutiques (surpêche et pêche illégale), les constructions portuaires avec en corollaire, l’augmentation du trafic de grands bateaux ...
Comment arrêter la mort programmée de la GBC ?
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prédit l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des tempêtes tropicales. Cela se vérifie déjà pour la GBC, où il a été observé récemment un nombre anormalement élevé de puissants cyclones de catégorie 4 et 5. Il est d’ailleurs prévu que les cyclones seront de plus en plus intenses, or un seul cyclone puissant peut causer des dommages beaucoup plus importants que plusieurs petits cyclones. Les dégâts étant plus importants, le récif met plus de temps à récupérer.
Aussi, renforcer la résilience (capacité d'un écosystème à retrouver un fonctionnement normal après une perturbation) et la santé de la GBC est une urgence. Cela est possible par exemple:
- en ciblant la réduction des populations de « couronnes d’épines » par l'élaboration de mesures alternatives de contrôle;
- en ciblant la réduction des rejets de sédiments et de nutriments dans l'eau, par la limitation des eaux de ruissellement provenant des terres et par l'interdiction de l'immersion de matériaux de dragage à l'intérieur du parc marin.
- en informant les populations sur la surpêche et ses impacts et en encourageant le changement dans les pratiques de pêche: la gestion responsable des ressources par les populations locales, par exemple, dans le parc marin de la GBC y joue un rôle vital.
- La défense de la GBC a besoin d'une approche intégrée, embrassant tous les problèmes sociaux et économiques qui touchent la population, les zones côtières et les systèmes fluviaux qui se déversent dans les océans: les gouvernements et les communautés doivent discuter ensemble.
Bien sûr cela n’est pas facile. D’un côté la croissance économique est importante : globalement, les récifs coralliens sont une source actuelle de revenu indirect pour environ 400 millions de personnes. En Australie, le projet d'extension du port minéralier à Abbot Point augmentera les exportations de charbon de plus de 70 millions de tonnes par an, mais entraînera dans le même temps le déversement de trois millions de m3 de sédiments et le rejet accru des émissions de CO2 au cœur de l'aire marine protégée.
De l’autre côté, nous devons donc maintenant faire face à la réalité : nos ressources naturelles sont fragiles et limitées.
Our future is green !