Extrait du « Le Livre des Imraguen, Pêcheurs du Banc d’Arguin en Mauritanie » par Marie-Laure de Noray-Dardenne, Editions Buchet et Chastel.
« Je suis d’une famille de charpentier. La moitié de la flotte du Banc d’Arguin a été construite par mon père, aujourd’hui décédé. Il s’appelait Boughari Ould Louli. Il travaillait avec les espagnols, avant la création du Parc. J’ai appris le métier avec lui, naturellement ! Nous n’avions pas les mêmes codes de fabrication que ceux de l’atelier du Parc. J’ai adopté la façon de faire de mon père mais avec des outils plus modernes. J’ai commencé à travailler sur les lanches pendant les grandes vacances, quand je rentrais au village. Pendant le reste de l’année, j’étais à l’école à Nouhadibou ou à Nouakchott. A quatorze ans, j’ai commencé ma première lanche en solo. Aujourd’hui, j’ai vingt-six ans et je suis le plus jeune charpentier de R’Gueiba. On peut très bien fabriquer une lanche tout seul. Dans ce cas, il faut compter quatre à six mois. C’est ce que je préfère.
J’ai beaucoup pêché, aussi, et je pourrais être capitaine. Mais je ne veux pas faire comme certains cousins qui ont abandonné le travail de charpentier pour celui de pêcheur. Tant que le métier de charpentier de lanche existera, je le ferai, car c’est ce que je préfère. Le bénéfice du charpentier est d’environ 400.000 ouguiyas par lanche. C’est sérieux. Il est indispensable d’aller à l’école avant de penser à être charpentier. Pour savoir faire des lanches, il faut une certaine éducation, de l’intelligence et de l’instruction. »