Le troisième « Green Talks » s’est tenu mercredi 29 avril 2015 autour de la thématique « Érosion côtière : phénomène naturel ou causé par l’homme ?! ». Rappelons que les « Green Talks » ont été lancés en collaboration avec l’Institut des Métiers de l’Environnement et de la Métrologie (IMEM) avec pour objectif de pouvoir entendre toutes les parties et de faire émerger des solutions qui impliquent tant le secteur privé, que les populations et les autorités publiques sur la problématique traitée.
Selon le public, les Green Talks sont « une rencontre entre ceux qui veulent mais ne peuvent pas et ceux qui peuvent mais ne veulent pas ».
Le débat sur l’érosion côtière semble bien refléter cette approche. En effet, les représentants du secteur touristique, des propriétaires et gérants des hôtels de la station balnéaire de Saly sur la petite côte du Sénégal, ont partagé leur expérience sur la petite côte : ils ont mis en exergue les manquements pour une gestion participative et efficace de l’érosion côtière.
La situation des hôteliers à Saly est représentative des conséquences socio-économiques de l’érosion côtière que vivent les promoteurs de tourisme mais également la population sur la côte sénégalaise : en l’espace de seulement 10 ans, l’hôtel Espadon a perdu toute sa plage et a été obligé de fermer ses portes ; 39 de ses employés permanents et 40 saisonniers sont au chômage. Le gérant de l’hôtel Teranga à Saly se souvient qu’en 2002 la superficie de sa plage a permis à l’équipe nationale de football de s’entrainer avant de partir à sa première coupe de monde au Japon, où ils ont battu la France et se sont qualifiés pour les quart de finale. Aujourd’hui, 12 ans après, la plage ne permet même pas de faire un fitness sur place, elle mesure 0 cm !
Pourtant, selon l’expert géologue et le représentant du Centre Expérimental de Recherche et d'Etude pour l'Equipement (CEREEQ), M. Lô, les conséquences de l’érosion côtière sont réversibles mais surtout évitables. Il cite notamment les exemples réussis des Pays Bas, du Japon, mais également de la Grande Mosquée à Casablanca au Maroc. Selon lui, certes, l’érosion côtière est un phénomène naturel, mais c’est un phénomène accentué par l’homme : la première digue du port de Saly a entamé le processus destructif de la petite côte.
Ainsi, des solutions existent ! Cependant les solutions durables devraient prendre en compte la dynamique marine de tous les pays de la zone côtière de l’Afrique de l’ouest.
Qu’attendons-nous pour les mettre en pratique ? Moyens financiers, moyens humains, moyens logistiques sont certes nécessaires mais il faut surtout une réelle volonté politique.
Les solutions ne peuvent être trouvées que dans le cadre d’un plan d’aménagement territorial bien pensé et impliquant tous les acteurs. C'est ainsi qu’une vision globale peut naître avec toutes les parties concernées. Faute de cette démarche globale, les hôteliers ont dû se battre individuellement contre l'érosion en adoptant des solutions qui se sont malheureusement avérées autodestructives, car déplaçant l’effet d’érosion côtière le long de la côte.
Pourtant l’autorité administrative représentée par M Ba, Directeur adjoint de la Direction de l’Environnement et des Etablissements Classées (DEEC) a évoqué l'existence d'une vision globale à travers un projet de restauration et de protection côtière des plages de Saly d’un coût total de 22,0 millions de USD financé par la Banque Mondiale. A terme, il est attendu que 9 brise-lames soient construits pour protéger 1, 5 km de la côte de Saly. En outre, un projet de loi sur le littoral a été élaboré, qui – selon le Ministre de l’environnement Abdoulaye Baldé - devrait réglementer l’extraction du sable marin et les activités côtières.
Cependant, Monsieur Bâ, confirme que les besoins sont énormes et urgents. Selon le Ministère de l’environnement, plusieurs villes du Sénégal sont menacées de disparition.
Tous les participants sont d’accord sur le fait que depuis bientôt 10 ans le phénomène de l’érosion côtière est connu au Sénégal et que l’adaptation est possible. Il faut désormais passer à l’action concrète avec des responsabilités clairement définies et attribuées. Cette action doit commencer par l’élaboration d’une solution globale et concertée entre le gouvernement, les scientifiques, la société civile et le secteur privé.
Ainsi, la 3ème édition de nos Green Talks a dégagé des conclusions qui pourraient servir de base à une solution globale :
Au niveau légal et règlementaire
- Il ne faut pas « se voiler la face » : le fait que le gouvernement ait sauvé quelques mètres de plage n’est que le début de la lutte. Il faut une solution globale visant le long terme ;
- Une solution globale passe par l’aménagement du territoire qui prendra en compte aussi bien le phénomène naturel d’érosion côtière que les conséquences des actions de l’homme ;
- La loi sur le littoral doit être multisectorielle en y intégrant outre le secteur environnemental, la dimension sociale et économique ainsi que l’aménagement du territoire ;
- Tout nouveau projet touristique sur la côte, en particulier celui de la station balnéaire sur la Pointe Sarène, inscrit dans le Plan Emergent du Sénégal, doit capitaliser l’expérience de l’érosion côtière à Saly ;
Au niveau des actions concrètes :
- Lancer la construction de brises lames dûment étudiées par des experts ;
- Valoriser (de façon contrôlée) la côte avec la participation des usagers et du secteur privé, p.e. créer des espaces verts publics de recréation ;
- Reboiser la côte et ainsi améliorer la fixation du sable cruciale pour amoindrir l'érosion côtière, ce que peut très bien compléter l’action n°6 ci-dessus ;
Le débat a ainsi permis d’une part d’apporter aux participants une meilleure connaissance de la problématique de l’érosion côtière au Sénégal et des solutions à y apporter. D’autre part, le public a eu un meilleur aperçu des actions entamées jusqu’à ce jour par le gouvernement et le secteur privé. Travaillons pour que la loi sur le littoral soit favorable aux solutions citées ci-dessus et soit effectivement respectée.