Habitant la petite côte, j’attendais avec plaisir la saison de récolte de ces boules d’épines au goût exotique. Lors de nos initiations à la plongée sous-marine, j’ai été marqué par la diversité des oursins présents à Dakar. En effet c’était la première fois que je voyais des Diadematidae, espèces bien différentes de celles qu’on voit d’habitude. C’est pour cette raison que j’ai choisi de partager cette merveilleuse découverte avec la communauté Ecofund. Cependant, je ne suis pas prêt d’oublier le prélèvement de ces beaux « diadèmes » dont mes mains se souviennent encore de leurs piquants !
Les oursins sont des invertébrés marins, espèces appartenant à la famille des échinodermes (tels que les étoiles ou les concombres de mer). Ces petites boules garnies de piquants, sont appelées « Saukhaure » en wolof. L’espèce Echinometra lucenter nous était familière pour l’avoir cueillie et grillée à maintes reprises sur les rochers en bordure de mer. Cependant, les spécimens que j’ai disséqués en laboratoire, ont été récoltés entre 10 et 16m de profondeur au nord de Dakar ce qui n’était possible qu’en pratiquant la plongée, et j’en suis très fier !
Echinometra lucenter et Eucidaris tribuloides sont les espèces les plus communes et sont caractérisées par de courtes épines, grosses pour E. tribuloides et plus ou moins fines pour. E.lucenter. Contrairement à ces derniers, les Diadèmes (Diadema africanum et antillarium) sont les oursins les moins connus des Sénégalais et sont caractérisées par de longues et fines épines qui peuvent mesurer plus de 10 cm. de long. Les Diadematidae appelés ainsi en raison de leur belle forme, préfèrent les eaux chaudes, et sont donc plus communs dans la partie orientale de la Méditerranée où ils sont d’ailleurs déclarés espèces protégées. Ils sont également abondants sur les petits fonds de l'Atlantique oriental (Sénégal et Cap-Vert par exemple).
Pour se nourrir, ils raclent et déchiquettent les végétaux qui tapissent le fond de la mer à l’aide de leur bouche munie de mâchoires spéciales dont l’ensemble forme ce que l’on appelle la "lanterne d'Aristote". Les sexes sont séparés, la fécondation est externe (par lâché de gamètes en même temps dans l’eau) et à vue d’œil, la distinction entre mâles et femelles est impossible.
Quant aux épines que j’ai personnellement testées, la piqûre est douloureuse mais a peu d’effet sur l'homme ; les brisures d’épines en revanche sont plus difficiles à retirer et peuvent infecter une plaie.
Aujourd'hui, 800 espèces d'oursins sont recensées à travers le monde à différentes profondeurs. Ils sont importants à conserver, l'oursin servant "d’indicateur biologique " important pour l’homme : en effet les larves d’oursins peuvent présenter des difformités en fonction de la pollution, ce qui les empêchera de se métamorphoser, d’où une diminution de la population locale. On étudie également le matériel génétique des oursins dans le cadre de la recherche contre le cancer : avec des cellules qui ne mettent que 2 heures à se diviser contre 24 heures chez l'homme et avec 70% de leur génome semblable au génome humain (c’est-à-dire à l'ensemble des gènes portés par les chromosomes d'une cellule), l'oursin est un parfait outil de laboratoire. Des études de la station biologique de Roscoff en France, ont d’ailleurs permis de mettre en évidence la peptideA1 qui lutte contre la leucémie.
Certaines espèces d’oursins sont comestibles, en tant que fruits de mer. Ces dernières sont récoltées à la main, à l’aide d’un crochet ou d’un simple couteau. La partie consommable de l’oursin est l’ensemble des cinq organes reproducteurs (les gonades). Pour y avoir accès, la bouche et l’appareil digestifs sont retirés. Au Sénégal, ils sont consommés grillés le long de la côte rocheuse et font l’objet d’un business florissant géré en majorité par les femmes Lébou.
Les tests (ou encore coquilles) d'oursins morts arborent un motif étoilé, qui peut être particulièrement voyant chez certaines espèces, et notamment les oursins irréguliers où il prend parfois une forme de fleur. Cela en fait des objets assez esthétiques, recherchés par certains collectionneurs ou utilisés par certains peuples comme objets de décoration, objets rituels ou encore comme amulettes. Ils sont aussi utilisés dans l'ornement de tombeaux ou de monuments religieux, avec une grande diversité symbolique suivant les peuples.